Ce travail rentre dans le cadre d'une orientation de mes recherches en place depuis de nombreuses années, qui consiste à se pencher sur la composante évaluative de la compétence argumentative ordinaire — c'est-à-dire sur ce qui guide les locuteurs lorsqu'ils déclarent qu'une argumentation est "bonne" ou "mauvaise". J'ai mené cette réflexion en prêtant attention aux termes "méta" que les locuteurs utilisent pour catégoriser (et évaluer) les procédés argumentatifs à l'œuvre dans les échanges dans lesquels ils sont impliqués. J'ai publié en 2003 [voir lien ci-dessous] un article sur l'utilisation du mot "amalgame" pour catégoriser et disqualifier le discours de l'adversaire. Je me suis intéressée récemment à un nouvel usage du terme jouant sur une reprise diaphonique, usage qu'on trouve dans les discours qu'on peut qualifier rapidement de droite (dure) et qui a fleuri depuis les attentats de 2015 (même s'il existait auparavant, mais de façon moins visible). Il s'agit de considérer que l'injonction "il ne faut pas faire d'amalgame" est caractéristique d'une gauche bien pensante et angéliste qui refuse de voir que le terrorisme (et plus largement tous les problèmes de la France) sont le fait des musulmans ; "pas d'amalgame" repris diaphoniquement (et marqué parfois par une graphie spécifique, qui montre qu'il ne s'agit pas d'un "usage" mais d'une "mention" : PADAMALGAM) sert à disqualifier en bloc le discours de ceux qui invitent à ne pas assimiler la religion musulmane et le terrorisme, par exemple.
Voir : M. Doury (2003), "L'évaluation des arguments dans les discours ordinaires. Le cas de l'accusation d'amalgame", Langage et Société, 105, 9-37. Article disponible en ligne à l'adresse suivante : http://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2003-3-page-9.html
Voir : C. Plantin (2016), Dictionnaire de l'argumentation. Une introduction aux études d'argumentation, Lyon, ENS Editions.