Genres

  1. Membres
  2. Problématique
  3. Actions




1. Membres de l’opération

Membres rattachés à titre principal

Caroline Facq-Mellet (responsable)
Annie Bertin
Giuseppe Gargiulo
Jean-François Jeandillou

Jeune chercheur associé
Valelia Muni Toke

Membres associés
Michel Arrivé
Driss Ablali (Université de Franche-Comté)
Hui-Teak Kim (Université nationale de Séoul)
Denise Malrieu
Frédérique Sitri (Université Paris 10 et équipe Syled)

Doctorants
Ourdia Djedid
Tissawas Thumrongsanta
Sun-Joo Woo





2. Problématique

Le genre est un concept déterminant pour les sciences du langage. Il est au cœur d’une réflexion épistémologique sur la complémentarité et l’articulation entre linguistique de la langue et linguistique de la parole. Caractérisé de manière minimale et provisoire par un faisceau de régularités engendrées par des pratiques diversifiées qui le constituent, le genre, tout en répondant à une description linguistique, intègre une dimension traditionnellement reléguée à l’extra-linguistique, identifié généralement par le terme de « contexte ». Cette dimension ne s’entend pas cependant exclusivement dans le sens prioritairement idéologique de l’analyse du discours. Le genre est en effet, par la lignée des textes qui l’attestent, ce qui, d’abord, tient lieu de contexte. Il constitue de cette façon une détermination essentielle du sens, si l’on entend par là, avec Rastier, que le global détermine le local, c’est-à-dire les composants locaux des textes.

L’acception de « textes » se réfère au principe hjelmslevien énoncé dans les Prolégomènes à une théorie du langage : « La théorie du langage s’intéresse à des textes(…) » et prend acte du fait que la linguistique selon Hjelmslev part du texte, donnée de base de l’analyse linguistique, chaîne syntagmatique comprenant tous les textes présents passés à venir et appartenant à toutes les langues, à partir de laquelle le linguiste déduit les composantes d’une théorie du langage. Le texte ne s’oppose pas aux textes, ce sont deux aspects du même objet. C’est donc l’objet « textes » qui est le domaine empirique d’analyse et d’observation des genres.

Les différentes actions menées au sein de l’opération développent et approfondissent de manière complémentaire cette conception générale du genre :
1) L’action « Recherches épistémologiques pour une linguistique des genres » élabore le cadre théorique de l’opération.
2) L’action « Caractérisation des genres » permet d’étayer la proposition bakhtinienne en faveur d’une linguistique des genres diversifiée. Dans ce sens, elle est le prolongement empirique de l’action 1).
Le détail des projets souligne la part égale prise par l’approche morpho-syntaxique de l’analyse automatisée des genres et celle des contextes dans la modélisation.
Il s’agit tout à la fois d’explorer des genres liés à des pratiques variées -genres scolaires, genres parlementaires, genres poétiques, genres électroniques, genres métalinguistiques (dictionnaires) etc., et de participer à une réflexion sur la définition et le mode d’appréhension des genres.
3) L’action « Discours rapportés » adopte cette terminologie usuelle, sans préjuger de cette étiquette, pour aborder les phénomènes complexes de la « représentation de discours autres » (Jacqueline Authier-Revuz). Sa particularité consiste à mettre en évidence de manière prioritaire la manière dont le genre détermine l’élaboration de formes langagières et contraint l’interprétation des énoncés. Elle aborde ce problème dans une perspective pragmatique qui prend en compte de façon explicite et raisonnée le dispositif énonciatif lié au genre textuel, puisque celui-ci définit les contraintes pragmatiques de l’interprétation.
L’une des questions abordées sera d’explorer en quoi une approche qui tient compte du genre textuel peut aider à définir les critères linguistiques des frontières entre discours rapportés. Elle s’appuiera également sur les descriptions diachroniques disponibles (Marnette) pour s’interroger sur l’existence de marques identifiables de ces discours. Les corpus étudiés sont contrastés, en synchronie (corpus de signalements d’enfants en danger, corpus de contes utilisés en milieu scolaire, des romans, un corpus de questions de parlementaires au gouvernement etc.) comme en diachronie (littérature d’Ancien Français).
4) Enfin l’action « réécritures de la langue médiévale », à partir de l’alignement des corpus anciens, se pose la question de la normativité des corpus, qui est une préoccupation générique centrale.





3. Actions

1) Recherches épistémologiques pour une linguistique des genres
Cette action est la poursuite d’une recherche en cours. Elle postule qu’une philosophie du langage est directement productive d’une épistémologie linguistique.
A partir de l’Herméneutique de Schleiermacher, des derniers travaux de Bakhtine et de l’œuvre du « second » Wittgenstein, on compare les concepts de « genre » chez Schleiermacher et Bakhtine et de « jeu de langage » chez Wittgenstein dans la perspective du programme saussurien. Les travaux empiriques concernent, entre autres, une grammaire de la parole du français oral et des textes littéraires, notamment poétiques.

2) Caractérisation des genres
Les analyses morpho-syntaxiques contrastives sur corpus étendus de différents genres textuels, à visée soit classificatoire soit attributive, se sont multipliées ces dernières années.
Comme dans toute description, le jeu des variables choisies est lié à des variables intermédiaires hypothétiques. Les travaux de F. Rastier et D. Malrieu (2002) ont fait l’hypothèse qu’aux différentes postures qui caractérisent les domaines de pratiques, correspondent des modalités de construction du sens hétérogènes qui renvoient à des textualités différentes et auxquelles pourraient correspondre des configurations préférentielles de modalités énonciatives, de combinaisons modaux / personnes, de constructions de subordination vs juxtapositions, de modes de prédication de détermination (définie / indéfinie), de valeurs sémantiques des temps, d’usage des déictiques, etc. Cette approche statistique de grandes masses textuelles, permet un repérage de traits stylistiques contrastés selon les genres, à travers la mise en évidence de faisceaux de variables corrélées
Les nouvelles actions envisagent, pour partie, un traitement automatisé de discours scolaires oraux (voir Représentation et traitement informatique des unités du texte » dans l’opération « Unité(s) du texte) et écrits (voir « Genres scolaires » « Echanges électroniques », « genres métalinguistiques), et, pour partie, un traitement manuel (« genres parlementaires »).

2a) Genres scolaires
Ces travaux ont d’abord été empiriques et descriptifs, ils ont visé à approcher la langue dans les manifestations orales et écrites émises par un locuteur spécifique, l’écolier, à travers des observables : les textes (oraux ou écrits) qu’il produit.
Le travail de recueil des données reste fondamental, d’abord parce qu’il n’a jamais été réellement fait au point de constituer une archive en sciences du langage; les textes produits dans l’institution scolaire sont utilisés comme documents sociologiques, historiques ou didactiques, et très peu comme des objets langagiers manifestant l’appropriation de la langue par de jeunes scripteurs, qui renseignent sur la dialectique langue/parole, idiolecte/stéréotype, style individuel d’« erreurs »/style collectif d’« erreurs » ; ensuite parce que les données recueillies sont aussi – nécessairement – l’objet d’une méthodologie et d’une épistémologie.
De ce point de vue, le contexte est primordial : on entend par là sans doute le contexte institutionnel constitué d’éléments extra-linguistiques intériorisés dont les marques se retrouvent dans les textes concrets (Bronckart) ; mais le contexte est aussi composé de textes ; l’intertextualité est le milieu « naturel » des textes, et conditionne l’interprétation sémantique : les textes de référence prescrits et lus à l’école en font partie, de même que la masse des écrits produits dans l’institution. Quelle que soit la manière dont on considère « ces produits » de l’institution, qu’on les appelle « textes » ou « discours », ils relèvent de pratiques qui les inscrivent dans un genre : nous les nommons les genres scolaires.
Si la préoccupation (et les références) cognitives ne sont pas premières dans l’énonciation des textes, nous nous référons cependant aux analyses vygotskiennes issues de « Pensée et Langage » : les hypothèses de Vygotski sur la naissance du langage intérieur de l’enfant, prélude de son passage à l’écriture, constituent un élément interprétatif de l’évolution des textes produits.
La prise en compte du « genre » comme catégorie descriptive a déplacé l’analyse vers une réflexion sur la notion de corpus, qui suppose alors de se mobiliser sur le commun autant que sur la variété. Nous avons entrepris un travail de comparaison de textes narratifs appartenant à la vaste famille des « contes » telle qu’elle se manifeste dans les programmes et références institutionnelles de l’école
Il s’agit de numériser, outre des séries homogènes de productions écrites d’élèves rangées sous cette étiquette à l’école, les listes de contes que l’institution prescrit dans les programmes, et sur lesquelles un travail de sériation est tout à fait nécessaire : les contes didactiques, contes littéraires traditionnels, contes traduits, adaptés, réécritures modernes, pastiches etc., sont génériquement apparentés mais le système dans lequel ils apparaissent (isolément ou groupés dans les manuels ou dans les listes) modifie leur sens.

2b) Les genres parlementaires
L’objet de l’étude est triple. Il s’agit d’abord de poursuivre la description des genres de discours liés à l’institution parlementaire, en diachronie et en synchronie. Nous nous attacherons plus particulièrement à l’interpellation. Nous voulons ensuite contribuer à une réflexion méthodologique sur la définition et sur le mode d’appréhension des genres. Enfin, en cherchant à mettre en évidence la pertinence du concept de genre pour la détermination du sens, nous souhaitons participer à une réflexion plus générale sur une (re)définition d’une linguistique du sens.

2c) Echanges électroniques par MSN ou par Chat
Le travail porte sur deux caractéristiques du genre en émergence susceptibles de le caractériser :
- l’identification d’une « phonologie » iconique des parties visuelles d’une conversation écrite ;
- l’utilisation de la webcam et de l’image en parallèle avec le texte écrit.

2d) Genres métadiscursifs
La recherche a pour cadre le programme d’édition scientifique des écrits linguistiques de Charles Nodier : discours théoriques concernant la motivation iconique, à partir de la Bibliothèque sacrée grecque-latine (1826) et de l’Examen critique des dictionnaires (1828).

3) Discours rapportés

L’action s’est engagée en 2007 dans une perspective descriptive. Elle tient compte des apports de Marnette, Rosier, qui ont tenté d’ébranler le cadre formel élaboré dans un champ dominé par les analyses de J. Authier-Revuz.
Un traitement automatique par balisage de séquences hétérogènes, commencé sur les romans de M. Duras, sera étendu à une partie du corpus.
Cette méthodologie devrait permettre une analyse fine des dynamiques discursives selon le genre textuel, en particulier les modes d’enchaînements des différents types de discours, leur répartition topologique dans le texte en fonction des propriétés pragmatiques du genre ou du dispositif narratologique.
Une typologie des DR a pu être esquissée, elle part des distinctions suivantes :
- parole au discours direct adressée à autrui (DD) ou à soi-même (monologue intérieur MI), le DD rapporté (DDR) marqué ou non marqué typographiquement, le discours indirect (DI) et monologue intérieur au discours indirect (MII),
- les DR narrativisés : le DRN : parole d’autrui rapportée à la 3S et au temps du récit, avec ou sans incise de dire, et sans introducteur et jonctif ; le DIN : discours indirect narrativisé : on a un verbum dicendi à l’imparfait ou PQP; le jonctif peut introduire une suite de phrases faussement autonomes et gardant les marques de temps du DI; le MIN : parole intérieure ou MI narrativisé.
Ces descriptions tiendront compte, dans l’hypothèse d’une modélisation ultérieure, des aspects diachroniques de la représentation de la parole.
Le DR présente en effet dans la littérature en Ancien Français de nombreuses formes non conventionnelles ; il a suscité de nombreux travaux (A. Meiller et S. Marnette, dans la lignée des travaux de B. Cerquiglini).
Plusieurs Bases de données de textes en AF, balisent d’ailleurs le texte selon ce critère (Le Chevalier à la charrette, projet de K. Uiti-Sarah Kay à Princeton continué à Poitiers ; l’ensemble des romans de Chrétien de Troyes, projet en cours en collaboration Ottawa-ATILF-Amsterdam, sous la direction de P. Kuntsman).

4) Réécritures de la langue médiévale

L’écriture médiévale, plus encore que d’autres, est très souvent réécriture : par la force des choses, parce que la transmission manuscrite interdit le monolithisme du texte imprimé, multipliant les variantes qui peuvent faire apparaître la variation diatopique et diachronique ; parce qu’elle se donne dans sa très grande majorité comme la « translation » d’un texte-source, le « conte » ; parce qu’elle se plaît au gré des interpolations, des continuations, des suites, des mises en prose à varier la matière.
On privilégiera deux axes :
- constitution et exploitation de traductions « intralinguales » (ancien français- moyen français) ; le traitement XML allié à un logiciel d’alignement doit permettre des études quantitatives fiables du changement morpho-syntaxique et lexical.
- étude linguistique des mises en prose, qui se développent à la fin du Moyen Age, à partir des romans et des chansons de geste, à partir de corpus informatisés.

 

  • Vues: 10834
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies.