Hétérogénéité des langues, des discours et des parcours langagiers

Dirigée par Françoise Gadet et Caroline Mellet

1. Membres de l’opération

Rémi Camus, Françoise Gadet, Jean-François Jeandillou Sabine Lehmann, Sarah Leroy, Caroline Mellet, Christine Pauleau, Sabine Pétillon, Frédérique Sitri, Anne Trévise, Sarah de Vogüé

2. Doctorant(e)s de l’opération

Alessandra Battaglini, Anne-Marie Bezzina, Serge Bli Bi, Ourdia Djedid, Kaja Dolar, Jimena Martinez Rojas, Anaïs Moreno, Roberto Paternostro, Loredana Ruccella, Gulnar Sarsiskeieva, Hong-Kyu Yi

3. Partenaires

3.1. Collaborations

Collaborations nationales

- ANR « Écritures » (Paris 3 / SYLED, dirigé par G. Cislaru)

- INALCO (co-direction MoDyCo et l’équipe SEDYL de l’INALCO du séminaire TOPE)

- Laboratoire CEROS (dir. Pezet, Université Paris Ouest Nanterre la Défense)

- Laboratoire Clesthia (Paris 3) (co-direction MoDyCo et Clesthia du séminaire de recherche RDD –Représentation des dires et des discours, dirigé par Jacqueline Authier, C. Lacoste et F. Sitri)

 

Collaborations internationales

-Navilire Research Group (coord. L. Lundquist et J.-L.Minel, Copenhagen Business School)

-Université du Québec en Outaouais (UQO) (L. Lafontaine, J. Émery-Bruneau)

 

3.2. Collaborations contractualisées

- convention CAPES-COFECUB, Université de Recife, Brésil (Doris da Cunha), en partenariat avec le laboratoire Clesthia (Université Paris 3)

- convention avec l’UNIFESP (Université Fédérale de São Paulo), Brésil (Marcia Romero)

4. Descriptif scientifique de l’opération

4.1. État de l’art

Regarder les langues sous l’angle de l’hétérogénéité n’est pas une perspective majoritaire des Sciences du Langage. Cela suppose de donner le primat aux agents que sont le producteur de discours et le descripteur. Peu de disciplines (analyse de discours, linguistique textuelle,linguistique de l’énonciation, sociolinguistique) s’appuient sur un tel point de vue, car il s’agit plutôt d’un regard que d’une appartenance disciplinaire. C’est pourquoi il est impossible de faire un état de l’art en quelques lignes.

4.2. Projet scientifique

L’hétérogénéité n’est pas regardée comme un plus ou un reste après la mise au pas des faits de langue, mais bien comme ce qui s’offre à l’observation et au raisonnement. À la fiction d’immédiateté et de transparence de messages échangés par des locuteurs maîtrisant leur(s) langue(s) et leur répertoire, le réel ne cesse de substituer une représentation plus dérangeante : foisonnement de formes et d’interprétations, intrication d’idiomes, strates chronologiques, omniprésence de commentaires sur ce qui se dit et la manière dont cela se dit. L’opération vise un inventaire des hétérogénéités se manifestant dans les productions langagières, en partant de quelques hypothèses :

- L’hétérogénéité traverse tous les aspects du langage : langues, textes, genres discursifs, variantes ; hétérogénéité des locuteurs, jamais typifiables, agents et sujets ; elle travaille tous lesniveaux d’analyse, traits, phonèmes, structures morphologiques, répertoires lexicaux, dispositifs syntaxiques, énoncés, textes, discours.

- Ce qu’on appelle « langue » est une fabrication. En tant que processus, cette construction peut être pensée comme une activité (ou ensemble d’activités) de mise en relation (dialogue, accueil, ajustement, cohabitation, circulation dans les langues, les registres, les styles et les genres) d’éléments hétérogènes entrant dans la constitution du commun (emprunts, calques, commentaires méta-discursifs, variantes). En tant que produit, cette construction se manifeste à tous les niveaux par des normes plus ou moins stabilisées, toujours en travail et façonnées par des parcours langagiers, des expériences, singulières ou partagées par un groupe ou une communauté, intégrant l’épaisseur métalinguistique de l’activité langagière.

L’hétérogénéité s’étend également à l’intrication de différents systèmes sémiotiques, parmi lesquels l’oral et l’écrit, mais aussi les gestes, mimiques, images, perceptions sur lesquels les pratiques langagières s’appuient.

L’opération Hétérogénéités s’attachera à décrire et comparer les manifestations d’hétérogénéités à différents niveaux d’analyse, et entre systèmes sémiotiques, avec l’objectif de modéliser la conventionalisation du commun. Elle s’intéressera à la réflexivité dans l’activité langagière, à ses fonctions ainsi qu’à ses modes d’inscription. Enfin, elle interrogera les notions qui traitent de l’hétérogène (genres, variantes, variétés, registres, styles, normes ; emprunts, calques, copiages, citations, interférences), en regardant comment elles sont investies dans différents champs de la linguistique et dans les applications didactiques.

Axes

L’opération propose d’interroger la notion d’hétérogénéité selon plusieurs axes :

Axe 1 : Hétérogénéité dans les langues et dans différents états de langue

- L’hétérogénéité au sein des paradigmes morphologiques, morphologie grammaticale avec des systèmes instables ; morphologie lexicale avec les faisceaux de sources d’hétérogénéité (coalescence, remotivation, démotivation, figement, emprunts, calques, analogies, réanalyse...) ;

- La syntaxe énonciative, hétérogène dans les principes de structuration en concurrence pour organiser les propositions ;

- Les registres et les variantes en lexique, avec la poursuite de travaux sur les relations poreuses entre termes et mots d’une part, le développement d’autre part de modèles de l’invariance pour penser la porosité entre unités lexicales et unités grammaticales, les faits de figement et les familles paraphrastiques.

Axe 2 : Hétérogénéités sémiotiques

On s’intéressera à la rencontre de systèmes sémiotiques différents, leurs relations, leur complémentarité et leurs modes d’accueil réciproques. Il s’agit de procéder, à partir du discours rapporté, à une analyse comparée de l’oral (vocal et mimo-gestuel) et de l’écrit, du point de vue du marquage du discours rapporté, ainsi que d’éventuelles influences d’un ordre sur l’autre.

Axe 3 : Hétérogénéités et dynamique des genres de discours

L’étude des genres de discours comme principes de structuration du discours et instances où s’actualise et se normalise la langue, se fera selon quatre directions :

- Épistémologie. Poursuite des traductions des textes de Bakhtine / Voloshinov sur la notion de « genre de discours » ;

- Modélisation du genre. Poursuite de l’opération « Genres » (2007-2012) référant aux conceptions du genre de Bakhtine / Voloshinov associant genres de discours et sphères d’activité ;

- Description des genres. Poursuite de l’étude des genres écrits, approche des genres de l’oral (collaboration avec Anne Lacheret), dans une perspective comparative ;

- Interrogation de notions comme « discours », « formation discursive », « genre », « registre », « style », qui traversent différents champs de la linguistique et d’autres sciences humaines.

Axe 4 : Hétérogénéités des parcours langagiers

- Volet sur les dynamiques ordinaires et la position des agents face à leurs pratiques langagières, sur le rôle des attentes et de l’évaluation sociale dans la construction des normes ;

- Volet sur la didactique des langues étrangères et sur la didactique de l’écrit, prenant en compte l’hétérogénéité des parcours (statut de l’erreur, difficultés d’acquisition). Il s’agit de travailler la façon dont s’élabore la conscience réflexive de l’hétérogénéité que mobilise toute maîtrise d’une langue étrangère et toute pratique d’écrit. Une place importante sera accordée aux dispositifs métalinguistiques (métalangue, gloses, explicitations, formulations, paraphrases, reformulations, appropriations) essentiels dans ces processus d’acquisition.

Axe 5 : Hétérogénéité des modalités de construction du sens au sein des discours et des textes

On étudiera les diverses façons dont notions et contenus de pensée s'élaborent au sein des discours et des textes, hétérogènes puisqu'elles ont pour ressort les langues, les systèmes sémiotiques, les genres et les parcours dont l'hétérogénéité fait l'objet des axes précédents.

4.3. Spécificités du projet scientifique

La notion d’hétérogénéité est travaillée dans plusieurs laboratoires : SEDYL, au sein du LabEx EFL, axe Typology and Dynamics of Linguistic Systems ; ICAR sur l’interaction et DDL sur la dynamique du langage au sein du LabEx ASLAN ; Équipe LIAS à l’EHESS dont l’un des axes vise à intégrer l’hétérogénéité grammaticale au cœur du dispositif linguistique : CRISCO, opération Syntaxe et élaboration du sens, en sociolinguistique (LIDILEM, DIPRALANG), en didactique des langues (LIDILEM), et en linguistique de l’énonciation (SEDYL, Clesthia).

La spécificité du projet tient surtout à trois aspects :

- regrouper des chercheurs travaillant sur des unités langagières de différents niveaux, ce qui évite d’opposer linguistique de la langue et du discours, mais conduit à nourrir l’une par l’autre ;

- mettre l’hétérogénéité au fondement du langagier dans toutes ses dimensions (pas de langue, d’énoncé, de genre, d’unité, sans l’hétérogénéité qui les constitue) ;

- placer l’hétérogénéité en amont, en donnant pour objectif une modélisation des opérations permettant, à partir de cette hétérogénéité, d’une part la constitution du commun ou de genres de discours reconnaissables, d’autre part la constitution d’unités.

5. Ressources produites

- Élaboration, en collaboration avec le service d’enseignement médiatisé COMETE, d’une Méthode progressive de remédiation de l’écrit, devant permettre aux étudiants de licence d’améliorer leur expression écrite et leur orthographe avec une méthode scénarisée et médiatisée d’auto-formation. L’élaboration de cette méthode s’appuiera notamment sur un dispositif d’évaluation avec tests en amont et en aval et comparaison avec une population témoin ;

- constitution d’un corpus de référence sur les genres du compte rendu dans différentes sphères d’activité ;

- développement du logiciel Navilire pour le repérage des marques et indices du discours rapporté.


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