Compréhension de textes et représentation des relations causales
Ma thèse porte sur la notion de distance causale dans la représentation mentale du texte lu (hypothèse du modèle de situation). J’ai d’abord étudié dans la littérature, notamment philosophique, comment on définissait la relation de causalité « dans les choses ». Une telle définition semblant hors d’atteinte, j’ai élaboré des définitions opérationnelles de la distance causale, à la fois dans la réalité et dans le modèle de situation.
J’ai conduit deux expériences sur des chaînes causales (i. e. des séquences de phrases dans lesquelles chacune décrit la conséquence de la précédente) partielles issues de textes de vulgarisation, recueillant des jugements de plausibilité sur les couples cause-conséquence présentés. Il s’avère que la distance causale mentale (plausibilité) est d’autant moindre que le nombre d’intermédiaires sautés (approximation de la distance causale réelle) est important. On ne trouve pas d’effet du rang de lecture dans la plausibilité jugée. Par ailleurs, la familiarité du participant avec le thème abordé augmente la plausibilité jugée. Il est présenté une série de descripteurs du temps, de l’espace, et des protagonistes, qui permet de qualifier la relation entre les événements décrits par deux phrases plus finement que les descripteurs du modèle d’indexation multiple de Zwaan. Ces descripteurs ont été évalués pour l’ensemble des couples analysés, et ils sont prédicteurs (à 41%) de la plausibilité jugée. Par ailleurs, les descripteurs que j’ai identifiés qui marquent les relations de causalité typiques ne sont pas prédicteurs. La causalité est donc une dimension à part entière du modèle de situation, mais elle peut être en grande partie ramenée aux autres dimensions de la situation, que sont le temps, l’espace, et les protagonistes. Nous suggérons que ces données situationnelles peuvent fournir la base d’une décision « fruste » pour entreprendre ou non une inférence causale lors de la lecture d’un texte.