Acquisition initiale du langage

 

  1. Membres
  2. Descriptif de l'opération




1. Membres de l’opération

Membres rattachés à titre principal

Edy Veneziano (responsable)
Claude Chevrie-Muller
Mireille Froment
Marie Kugler-Lambert
Marie Leroy
Claire Martinot
Christophe Parisse
Clara Romero

Doctorants
Nour Al Huda Al Awbali
Abdul Hamidy Bah
Hélène Colin
Hélène Kourouka-Mitsika

Membres associés
Sonia Gerolimich (Université d'Udine - Italie)
Malory Leclere-Messebel (Université Paris 3)
Aliyah Morgenstern (ENS-LSH)
Urzsula Paprocka-Piotrowska (Université catholique de Lublin)

Collaborations extérieures
Tomislava Bosnjak (Université de Zagreb)
Eve Clark (Université de Stanford)
Lélia Erbolato Melo (USP São Paulo)
Rouba Hassan (Université de Lille 3)
Aoyama Katsura (Texas Tech University)
Jelena Kuvac (Université de Zagreb)
Katrin Lindner (Université de Munich)
Susana Lopez Ornat (Université de Madrid)
Ana Paula Machado Goyano Mac-Kay (PUC São Paulo)
Sueli Cristina Marquesi (PUC São Paulo)
Emmanuelle Mathiot (Université Lille 3)
Lorraine McCune (Rutgers University)
Elisabeta Nicolescu (Université Spiru Haret de Bucarest)
Jacy Perissinoto (UNIFESP São Paulo)
Ann Peters (Université d’Hawaii)
Cecilia Rojas (UAM Mexico)
Nathalie Salagnac (IUFM Gravelines)
Elena Zaretsky (Université du Massachusetts, Amherst)





2. Descriptif de l'opération

1) Emergence de la Grammaticalité chez le jeune enfant : Facteurs cognitifs, linguistiques et conversationnels

Lorsqu’ils commencent à parler, les enfants produisent tout d’abord un mot à la fois. Or, autour de l’âge de trois ans, ils semblent avoir à leur disposition les outils nécessaires à la production d’énoncés relativement complexes et grammaticalement appropriés. L’émergence de la grammaticalité est un élément crucial pour comprendre la nature de cette évolution. Comment expliquer que les énoncés des enfants commencent à contenir des morphèmes reconnaissables tels que les déterminants, les pronoms et les auxiliaires, que les formes verbales soient employées de manière contrastive, que noms et verbes développent des patterns d’occurrence distinctifs, et que les énoncés contiennent majoritairement plusieurs mots ?
L’étude de l’émergence de la grammaticalité a été abordée de diverses manières. Selon les approches générativistes, les enfants sont supposés s’appuyer sur des savoirs innés, contraints par des principes linguistiques, qui peuvent être généralisés. Selon les approches constructivistes, le langage est construit par petits bouts à partir de l’élaboration cognitive du langage que l’enfant s’approprie et avec lequel il interagit. Ce projet a pour objectif de contribuer à ce débat grâce à une étude novatrice et originale de l’émergence de la grammaticalité. Il s’agit d’allier le recueil et l’analyse détaillée de données longitudinales en milieu naturel à des méthodes expérimentales, ce que l’on ne trouve pas dans les travaux précédents. La complémentarité de ces approches permettra d’étudier à la fois la production et la compréhension des enfants, d’analyser les caractéristiques pertinentes du langage adressé aux enfants ainsi que les échanges conversationnels, et de tester, grâce à une méthode d’entraînement, une hypothèse selon laquelle les énoncés à plusieurs mots sont favorisés par l’enchaînement dialogique d’énoncés à un mot.
De plus, cette recherche pourra bénéficier de la collaboration d’experts de pointe dans les domaines étudiés. Ces derniers contribueront et travailleront sur des données en anglais et en espagnol. Cette approche multilingue ouvrira les horizons du projet et permettra de comparer les résultats obtenus pour le français avec ceux d’autres langues, les intégrant sur le plan de la recherche internationale.
Le projet comprend :
1. Un outil évaluatif des premières acquisitions grammaticales grâce à l’analyse de trois phénomènes : (a) les « fillers » dont on pense qu’ils permettent d’initier un processus menant à la morphologie libre ; (b) la production des verbes avant et après l’apparition de formes morphologiquement différentes pour les mêmes verbes types ; (c) les débuts et l’évolution des énoncés à plusieurs mots.
2. Une étude détaillée des processus et mécanismes sur lesquels les enfants s’appuient pour construire leur grammaire, grâce à l’étude des morphèmes pré-nominaux et pré-verbaux ainsi que des formes verbales attestées dans le langage adressé à l’enfant et dans la conversation mère-enfant. Des types particuliers d’échanges conversationnels que l’on considère comme centraux dans le transition vers la production d’énoncés à plusieurs mots seront analysés dans les données longitudinales et seront mis en œuvre à travers une procédure expérimentale afin de tester spécifiquement cette hypothèse.
Les analyses seront menées sur des données longitudinales provenant d’enfants en train d’acquérir le français, l’anglais et l’espagnol. Un entraînement expérimental sera mis en place sur 20 enfants « expérimentaux » et 10 « contrôles » pour chaque langue.
Nous prévoyons que les analyses simultanées des fillers et des formes verbales montreront que la différenciation entre noms et verbes se produit quand les énoncés à plusieurs mots deviennent le mode d’expression dominant chez l’enfant. C’est aussi à ce moment-là que de nombreux verbes seront utilisés avec des formes morphologiquement contrastées. Nous stipulons aussi que les relations entre les caractéristiques du LAE et de l’activité conversationnelle d’une part, et les caractéristiques des fillers et des formes verbales de l’autre, ne sont pas aléatoires. En conformité avec les hypothèses, nous nous attendons à ce que les échanges conversationnels encouragés dans les séances d’entraînement permettent d’acquérir la production d’énoncés à plusieurs mots. Cette recherche pourrait dés lors avoir des retombées directes sur les méthodes utilisées en remédiation du langage.
Nous pensons par ailleurs trouver des relations complexes entre les différents aspects étudiés confrontant ainsi le point de vue constructiviste sur l’acquisition du langage, selon lequel la signification d’éléments acquis à un moment donné peut être modifié à la lumière d’éléments acquis par la suite. Nous pensons que la comparaison des résultats obtenus sur le français, l’anglais et l’espagnol contribuera à une meilleure compréhension de l’émergence de la grammaticalité ainsi qu’aux connaissances multilingues.

2) Acquisition et reformulation
Ce projet, déjà en cours et qui a fait l’objet de deux publications et de plusieurs présentations et conférences, a pour objectif de rendre compte du mode de construction de la prédication au cours de la période dite des acquisitions tardives (4-10 ans), période peu documentée du point de vue de l’acquisition de la langue orale.
L’hypothèse défendue ici est que l’acquisition de la langue est déterminée par des procédures de reformulation que l’enfant, en fonction de ses compétences langagières, applique à un énoncé entendu et mémorisé, pour produire un autre énoncé, aussi bien de sens équivalent que différent, mais qui partagera avec le premier énoncé un aspect invariant (au niveau du lexique, de la construction, ou du sens) et qui comportera en même temps un changement concernant un autre niveau que celui qui est invariant. La description et l’analyse de l’ensemble des phénomènes liés à la construction du sens ou de la prédication se font par comparaison entre un texte source et les productions des enfants qui racontent à leur tour le même texte (fiction de 500 mots environ). Cette hypothèse d’une acquisition par reformulation/transformation, s’appuie sur le postulat que les enfants se livrent, de cette façon, à une investigation du fonctionnement de leur langue qui correspond à des mécanismes communs à toutes les langues (quelles contraintes déterminent la co-occurrence de catégories de mots, comment un mot d’une catégorie sélectionne un mot plutôt qu’un autre pour produire une signification, comment augmente la complexité des phrases élémentaires par réduction et grammaticalisation), et à des mécanismes spécifiques à chaque langue.
Volet 1 : Les stades d’acquisition dans différentes langues maternelles.
Les mécanismes communs ou spécifiques aux langues sont recherchés dans la (re)construction faite par les enfants des prédications simples (le verbe et ses arguments) du texte source, des prédications liées (prédication simple suivie d’une relative) et des prédications complexes (prédication principale et seconde dans la même phrase). L’hypothèse est que les 15 enfants de chaque groupe d’âge (4, 6, 8 et 10 ans) reformulent les séquences correspondantes du texte source de façon différente et que cette façon nous renseigne sur ce qu’ils savent faire avec la langue pour produire un sens donné. L’expérimentation dans 9 langues différentes (français, italien, roumain, allemand, anglais, croate, polonais, grec, arabe) devrait montrer dans quelle mesure l’hypothèse acquisitionnelle de la reformulation est généralisable.
Volet 2 : Constitution d’un ensemble de normes de références : Observatoire du français oral chez les enfants scolarisés en France.
Le corpus (pour la partie française) a été recueilli auprès de 60 enfants français ou francophones natifs de 4 à 10 ans et constitue donc un ensemble de données qui pourrait servir de référence aux acteurs scolaires impliqués dans l’enseignement du français langue maternelle. Il permet en particulier de voir à quel âge une compétence particulière commence à être attestée, ce qui permet que l’enseignement s’appuie sur cette compétence en construction.
Volet 3 : Reformulation et dysphasie.
La troisième étape est d’utiliser un protocole expérimental comparable à celui décrit ci-dessus en l’adaptant aux enfants dysphasiques qui ne semblent pas disposer des mêmes compétences de reformulation que les enfants sans troubles de langage. Cependant dans une perspective de remédiation, la consolidation de certaines procédures de reformulation pourrait être envisagée en plus des outils déjà disponibles qu’utilisent les orthophonistes.

3) NarraToM : Narration et Théorie de l’esprit
Le but principal du présent projet est d’évaluer de différentes manières les compétences des enfants en matière de langage et de théorie de l’esprit, ainsi que d’étudier le rôle de différentes méthodes d’intervention sur l’amélioration des performances des enfants, qu’il s’agisse d’acquérir des nouvelles compétences ou de rendre accessibles celles déjà existantes.
Pour ce faire, nous avons choisi d’investiguer une compétence cognitivo-langagière très souvent sollicitée dans la vie quotidienne et qui, par son aspect de décontextualisation, est centrale aussi dans la réussite scolaire, celle de raconter et de produire des récits.
L’originalité de cette recherche est d’essayer d’apporter un nouvel éclairage à ces questions, par deux moyens principaux :
a) d’une part nous mettrons en place un système d’évaluation multiple où les mêmes compétences sont sollicitées dans des conditions diverses d’accessibilité. Ainsi l’état de connaissance de l’enfant sera évalué: sans soutien externe (premier récit spontané) et après que l’enfant a été exposé à différents types de soutiens externes dont certains l’impliquent directement en tant que partenaire d’interaction. Il sera alors possible de mieux déterminer si le manque de compétence doit être attribué à des variables développementales ou s’il peut être reconsidéré, même de manière radicale, comme due à des variables d’une autre nature;
b) d’autre part, nous comparerons différentes méthodes d’intervention dont l’efficacité sera évaluée en termes d’amélioration de l’une ou l’autre des différentes composantes prises en compte dans l’analyse, autant sur le court terme qu’à plus longue échéance. Comparées elles-mêmes à une situation contrôle où les enfants sont amenés à re-raconter l’histoire après une familiarisation supplémentaire avec les images, nous pourrons évaluer le rôle des méthodes d’interventions par rapport au fait de raconter une nouvelle fois l’histoire.

Dans l’esprit de mieux cerner l’état des compétences et la marge possible de progression, les enfants à développement typique seront comparés à des enfants présentant des troubles du langage (enfants dysphasiques) mais aussi à des enfants présentant des troubles de la communication et/ou du développement cognitif (enfants autistiques et trisomiques).
La même étude effectuée chez des enfants parlant des langues différentes pourra nous aider à comprendre dans quelle mesure la non-expression d’aspects évaluatifs dans une langue donnée peut être due à des difficultés morphosyntaxiques spécifiques à cette langue, et inversement si l’absence de telles difficultés dans une autre langue amènerait l’enfant à les exprimer plus précocement.
La recherche dans son ensemble fournira une base de données permettant la mise en place d’un outil d’évaluation nuancée sur laquelle baser ultérieurement des épreuves standardisées.

4) Développement grammatical de l’enfant de 1 à 5 ans
Le développement grammatical de l’enfant fait ici référence à la période qui va de l’âge où les enfants produisent de simples mots isolés (de 1 à 2 ans selon les enfants) à celui où ils produisent des énoncés qui sont très proches de ceux des adultes qui les entourent (pour cette recherche, on se limite aux âges préscolaires, jusqu’environ 5 ans).
Cette période présente plusieurs moments cruciaux, en particulier d’une part, le début de l’assemblage de mots et de production de marques grammaticales (autour de 18 à 24 mois), et d’autre part l’augmentation importante de la qualité du langage (de 2 à 3-4 ans) où les enfants accèdent à une grande richesse syntaxique et à un langage de qualité (notamment par la qualité de prononciation, la longueur et le volume des énoncés).
Cette action est soutenue par deux ANR (Emergram 2006, Polycat 2006) dont le laboratoire MoDyCo est partenaire principal ou secondaire. Elle est aussi impliquée dans le projet Leonard. Elle est remarquable par le nombre de personnes qui y sont impliqués (dans et hors du laboratoire). Elle comporte plusieurs volets qui se complètent :

Recueil original de corpus longitudinaux sur une longue période allant au moins de 18 mois à 3 ans. Ce recueil et l’important travail de transcription qu’il suppose ne peut se mettre en place que grâce aux contrats ANR obtenus et à la mutualisation des moyens offerts par tous les projets financés. Toutes les transcriptions suivent le format CHILDES et sont accompagnées de document vidéo.

Emergence de la grammaire. Autour de l’âge de 2 ans, les enfants commencent en même temps à combiner des mots isolés dans un même énoncé, à produire des marques syntaxiques attestant d’une certaine maîtrise de catégories grammaticales comme le nom, le verbe, et à produire des enchaînements conversationnels réussis. L’hypothèse est que la simultanéité de ces manifestations n’est pas le fruit du hasard mais qu’elle se retrouve chez tous les enfants. De plus, on cherchera à vérifier de manière expérimentale si les prémisses de ces évolutions peuvent être identifiés chez les enfants dès le début de leurs productions complexes. Ceci n’est possible que grâce au recueil longitudinal mis en place dans cette action.

Développement des marqueurs syntaxiques. Après l’âge de 2 ans, la grammaire des enfants continue de progresser à grands pas et de nombreux indicateurs permettent de suivre ce développement. Une recherche porte en particulier sur les prépositions qui sont typiques de cette période du développement. Cette période est également très important car elle permet de contrôler l’apparition d’éventuels troubles de développement du langage, en comparant les enfants entre eux.

 

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