En français, plus de 8 schémas morphologiques sont disponibles pour construire des noms d'événements à partir de verbes. Les suffixations en -age, -ment, -ion, -ure, -ance, -ade, -aison, -erie, ainsi que la conversion de verbe à nom (défendre -> défense, arriver -> arrivée), partagent toutes des fonctions équivalentes sur le plan sémantique, et sélectionnent parfois les mêmes bases verbales (e.g. : gouverner -> gouvernance, gouvernement, gouverne).
S'inscrivant dans le cadre théorique de la morphologie lexématique (Matthews 1974; Anderson 1992; Aronoff 1994; Fradin 2003; Booij 2005), et à la suite des travaux de Lindsay & Aronoff (2013) et Aronoff (2014, 2015, 2017, 2019), cette thèse propose d'élaborer une réflexion sur les dynamiques à l'origine de la coexistence de ces multiples schémas de nominalisation rivaux. En envisageant le système morphologique comme un système complexe, les schémas en compétition sont envisagés comme répondant à des dynamiques de système auto-organisées autour de contraintes linguistiques entrant en interaction à plusieurs niveaux (phonologique, morphologique, sémantique et syntaxique, lexique existant).
En prenant appui sur une base de relations morphologiques construite à partir de corpus massifs, nous faisons l'utilisation de méthodes computationnelles (word embeddings, modèles statistiques, modèles analogiques; Arndt-Lappe 2014, Lapraye 2017, Wauquier et al. 2018, Bonami & Thuilier 2019 pour d'autres cas de compétition morphologique) de sorte à faire émerger ces contraintes, et nous proposons de modéliser la répartition du lexique construit par ces schémas à l'aide de systèmes multi-agents.