Pathologies de la communication et du langage et remédiations

 

  1. Membres
  2. Problématique
  3. Actions




1. Membres de l’opération

Membres rattachés à titre principal

Christophe Parisse (responsable)
Marie Kugler-Lambert
Marie-Christine Pouder
Christiane Préneron

Membres associés
Yamina Bensalah-Poulain (Orthophoniste)
Christelle Maillart (Université de Liège)

Collaborations extérieures
Corinne Bernardeau (UPPEA)
Véronique Boiron (IUFM de Bordeaux)
Françoise Bourdoux (Université de Liège, Belgique)
Marica Berges-Bounes (UPPEA)
Carole Checri-Bailly (Ecole d’orthophonie Pitié-Salpêtrière à Paris)
Marie-Claude Devaux (UPPEA)
Catherine Ferron (UPPEA)
Bénédicte Héberlé-Dulouard (Professeur des Ecoles, Formatrice CASNAV)
Dominique Kugler (Traductrice)
Anne Lainé (orthophoniste, Centre de Guidance Infanto-Juvénile Toulouse)
Gérard Lebugle (UPPEA)
Evelyne Lenoble (UPPEA)
Claire Maury Rouan (Université de Provence à Aix-Marseille)
Luce Monnier (UPPEA)
Mary-Annick Morel (Université Paris 3)
Anne-Marie Pecarelo (UPPEA)
Nathalie Salagnac (IUFM de Gravelines)
Monique Touzin (Orthophoniste, Hôpital du Kremlin Bicêtre)
Anne Philippe (INSERM, Paris 5)
Robert Vion (Université de Provence - Aix-Marseille)





2. Problématique

L’équipe s’est définie un ensemble d’objectifs communs :
1. appliquer les méthodes d’observation et d’analyse du dialogue à des corpus issus de la prise en charge d’enfants en difficulté de communication orale et écrite.
2. faire l’inventaire des différentes points d’incidence de la pathologie de l’acquisition du langage et des registres où elle s’organise (dimension préverbale, communicationnelle et pragmatique, usage des registres syntaxico-sémantiques).
3. repérer les variations dans l’émergence du trouble linguistique et communicationnel, les conditions dans lesquelles ces difficultés s’estompent/se renforcent.
4. repérer les indices précurseurs des troubles de la communication et du langage par le recours à l’analyse de films familiaux d’enfants chez lesquels un trouble avéré a été diagnostiqué ultérieurement.
5. enfin, à la faveur de ces considérations, dégager les pré-requis de l’acquisition du langage chez l’enfant tout-venant.

De manière programmatique, nous ferons porter l’essentiel de l’effort sur les enfants présentant un trouble de la communication ou du langage. Notre propos sera notamment d’explorer le bien-fondé de différentes propositions théoriques pour tenter de comprendre ce qu’il en est de la communication verbale et non verbale chez l’enfant présentant des troubles du développement de la communication et du langage.





3. Actions

1) Action dépistage précoce de l’autisme
Les deux axes d’explication de l’autisme que sont la psychanalyse et la cognition postulent que l’enfant autiste ne dispose pas d’une représentation de la représentation de l’autre, soit par déficit soit parce qu’il ne peut pas accepter de se sentir distinct de l’autre. A la lumière d’observations cliniques, le groupe de travail tente de définir un autre axe d’explication possible du trouble de la communication non verbale d’un enfant sans langage, qui part de l’idée d’un malaise dans le signe. Communiquer, c’est tenter de faire partager un état, une sensation, un affect, un projet, une pensée. Or à l’évidence, on ne peut désigner directement à autrui ce qui est logé à l’intérieur de son corps à soi. On peut lui demander de prêter attention à un bruit, à un événement visible, mais on ne peut lui donner accès directement à une sensation ou une pensée intérieure. D’où le recours à un objet externe que l’on donne à percevoir en qualité de signifiant de cette sensation interne. Pour communiquer on désigne donc à autrui un objet de perception aussi directement audible, palpable ou visible pour lui que pour soi, en faisant le pari que pour lui aussi il vaudra pour l’état intérieur que l’on veut faire passer. Pour prendre un exemple trivial, être triste est un état intérieur que l’on ne parvient à communiquer à autrui qu’en lui montrant quelque chose qu’il peut voir, sentir ou entendre et associer à cet état, larmes ou cris par exemple. Evidemment, pour croire qu’autrui puisse se prêter au jeu et prendre un objet de perception comme signe de sensation chez l’autre, il faut d’abord faire fond pour soi-même sur cette association entre sensation et perception. La capacité d’un sujet à construire des associations de ce type est condition sine qua non à son recours au signe. C’est cette association entre sensation et perception qui fait défaut aux enfants gravement perturbés.
Cela rejoint par exemple ce que visent les cognitivistes lorsqu’ils soulignent le défaut d’intermodalité d’enfants en grande difficulté de communication. Cela reprend aussi la notion psychanalytique de « démantèlement » créée pour désigner cette façon de faire des enfants autistes qui sont capables de manipuler un objet en regardant ailleurs et en écoutant une troisième chose, chacune de ses modalités sensorielles pouvant vivre sa vie de manière indépendante. Et l’on comprend alors que cette tendance l’empêche d’associer sensation et perception. Avec cette conséquence que le signe lui devient impraticable. C’est cette hypothèse que nous tenterons de confronter avec les faits.
Dans cette perspective, l’équipe se propose d’analyser la communication et/ou le langage de différentes populations pathologiques (enfants dysphasiques ou autistes en interaction avec des soignants ou leurs parents). Elle tiendra compte des productions et des comportements de l’enfant mais aussi de ceux de l’adulte.
La recherche procède par comparaison entre documents présentant des similarités au niveau du cadre, de la situation ou des participants. Ces documents sont de plusieurs ordres :
- documents portant sur des situations peu standardisées : enregistrements familiaux, enregistrements d’entretiens thérapeutiques ;
- documents portant sur des situations plus standardisés enregistrées en centre de Protection Maternelle et Infantile dans le cadre d’un test de suivi du regard.
Les différents thèmes retenus sont les suivants :
i) à partir du corpus de films familiaux recueillis auprès de familles d’enfants autistes, l’analyse portera sur la parole de la mère, les variations du comportement autistique chez l’enfant, les signes précurseurs de la dysphasie, et sur les rythmes des échanges ;
ii) à partir d’enregistrements vidéoscopés d’entretiens thérapeutiques (enfants autistes, enfants sévèrement dysphasiques), l’analyse portera sur les variations au cours de l’entretien thérapeutique par l’analyse de la mimo-posturo-gestualité de l’intonation et du discours de l’adulte autiste, par l’analyse des échanges de regard entre un enfant autiste et son thérapeute, et par la comparaison de l’accès progressif au langage chez trois enfants dysphasiques profonds. Il s’agit de caractériser la diversité des accès au langage en situation pathologique, de montrer que l’accès au langage chez un enfant dysphasique ne transite pas par les étapes que l’on observe chez l’enfant tout venant.
iii) à partir d’enregistrements issus d’un protocole de dépistage (en collaboration avec l’équipe du Pr. Moro, Hôpital Avicenne)

Dans différentes PMI, un test standardisé de suivi du regard a été mis en place avec des enfants de 4 mois afin de dépister les enfants en risque d’évitement relationnel ultérieur. Il est fondé sur l’observation comparée du suivi du regard de la mère quand l’enfant est assis face à sa mère dans un baby-relax, ou quand il est assis sans être soutenu. Dans les deux cas, la mère est d’abord en interaction face à l’enfant et lui parle. Puis elle détourne la tête pour regarder un objet qui se trouve sur le côté de l’enfant. On regarde si l’enfant détourne la tête pour suivre le regard de la mère. Pour les enfants qui ne parviennent pas à suivre le regard de la mère dans l’une des situations, des consultations régulières sont proposées. Certaines sont filmées afin de suivre l’évolution de l’enfant.

2) Action communication avant le langage : intonation et posturo-mimo-gestualité dans le développement normal et le développement autistique
Cette action poursuivra des analyses de corpus audiovisuels longitudinaux pour établir une typologie des gestes et des intonations à visée communicative dans le développement normal, puis en comparaison avec des films familiaux d’enfants autistes. L’analyse des caractéristiques de ces gestes et intonations dans un contexte d’interaction permettra d’établir d’une part les différences entre le développement normal et le développement autistique, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, et d’autre part, de mettre en relief les éléments favorisant la communication chez l’enfant autiste.

3) Action dysphasie : troubles de développement du langage oral
La dysphasie se caractérise par un trouble de développement du langage oral qu’on ne saurait attribuer à des causes telles que retard mental, anomalies neurologiques, trouble de l’audition, trouble socio-affectif ou comportemental. L’enfant présente d’abord un certain retard, que souvent il ne pourra jamais combler même avec une aide orthophonique.
Les causes de ces troubles sont encore incomprises et des explications parfois contradictoires ont été proposées. On constate que, dans la plupart des cas, la phonologie et la syntaxe sont atteintes de manière plus ou moins simultanée. On trouve aussi des difficultés d’ordres lexical et pragmatique chez beaucoup d’enfants.

L’hypothèse que nous faisons est que les troubles qui caractérisent l’enfant peuvent avoir des origines différentes même dans le cas de manifestations comportementales identiques, dans la mesure où le système linguistique possède ses propres aspects de régularisation et de compensation qui font que tout composant du langage repose en partie sur les autres. Cet état de fait limite la compréhension des troubles et ne permet pas de focaliser sur de bonnes rééducations. Pour éliminer ces problèmes, deux axes de travail sont en cours.
Performances cognitives non linguistiques
Beaucoup de fonctions langagières ont des pendants dans des domaines non linguistiques. Par exemple, on sait que les troubles de mémoire de travail accompagnent souvent mais pas systématiquement les troubles de langage. Il en est de même pour les troubles de traitement rapide des sons. L’évaluation non langagière permettra peut-être de découvrir des profils dans les dysphasies, ce qui permettra d’améliorer et d’affiner les rééducations.
Aspects longitudinaux du développement syntaxique
Les performances des enfants ne sont pas toujours stables au cours du temps. Ainsi les performances phonétiques faibles s’améliorent souvent avec la rééducation sans que le reste du langage progresse pour autant. Un autre exemple est celui des erreurs syntaxiques qui peuvent n’apparaître qu’à un certain moment du développement lorsque le langage de l’enfant est suffisamment développé pour qu’il ne puisse plus se contenter de formules figées. Le suivi longitudinal des enfants dysphasiques en parallèle de celui d’enfants-contrôles devrait permettre de mieux distinguer les différences de troubles. Il permettra aussi de tester en situation des hypothèses comme celle où les constructions complexes de l’enfant ne sont construites qu’à partir de ses productions antérieures, contrairement aux hypothèses mettant en jeu une syntaxe innée.

4) Remédiation à la dyslexie
L’objectif essentiel est une évaluation du jeu de Play On destiné à favoriser la récupération des enfants dyslexiques, qui existe à présent sous forme de CD-ROM (pour PC). En association avec l’association CORYDIS regroupant des parents d’enfants dyslexiques, une subvention de l’Education Nationale permet de faire appel à des chercheurs afin d’examiner la manière dont les enfants se servent du jeu (enquête de convivialité) puis bénéficient réellement des effets du jeu. L’ensemble de l’expérimentation devrait se faire au cours des deux années universitaires à venir. A l’issue de cette période, outre la publication des résultats des différentes études, nous devrions être à même d’aménager le jeu en fonction des propositions formulées par les équipes d’évaluation.

5) Subjectivité, continuité discursive et troubles d’apprentissage
L’hypothèse centrale de ce projet réside dans l’interrogation du maniement du langage oral par des enfants présentant des troubles d’apprentissage contrastés (lecture vs mathématiques), afin d’établir si chaque groupe, avec des variations individuelles probables, peut se caractériser par un profil particulier, et lequel. La notion de profil de sujet langagier est à considérer comme une constellation de façons d’être, de raconter et d’interagir langagièrement, qui présente des caractéristiques communes ou analogues ou à l’inverse opposées du point de vue de la subjectivité langagière dans des conduites et des situations diversifiées. De premiers résultats permettent d’émettre une hypothèse sur des caractéristiques langagières différenciées selon que l’enfant présente des troubles d’acquisition de la lecture ou du calcul dans le cadre de l’activité narrative dans un protocole constitué de conduites narratives et argumentatives. Les récits d’enfants en difficulté de lecture se caractérisent par un effacement de la subjectivité langagière, alors que ceux d’enfants en difficulté en mathématiques présentent au contraire un « trop plein » presque envahissant de l’énonciation de la subjectivité. Il s’agit donc d’affiner l’hypothèse en précisant à quels plans du discours et de l’énonciation cet effacement/envahissement s’observent et à quel degré. Cette interrogation sera soutenue par une mise en perspective entre une activité narrative et une activité argumentative programmée et encadrée par un protocole commun et une situation d’entretien de synthèse entre l’enfant, les parents et le médecin qui propose ou conseille une remédiation.
La recherche ici proposée s’inscrit dans un contexte social particulier. Comme nous l’a rappelé le rapport INSERM, l’ampleur des troubles sévères des apprentissages est telle que les enfants et les adolescents concernés par une telle situation sont aussi nombreux que l’ensemble de ceux qui souffrent de tous les autres handicaps.
Sous-tendant l’ensemble de la recherche, la théorisation de l’inscription de la subjectivité dans le langage par certains courants de la linguistique contemporaine permet de prendre en compte à la fois les dimensions de l’affectivité et du point de vue. Le langage n’est plus considéré comme distinct de ses utilisateurs qui peuvent imprimer à leur discours la marque de leur point de vue et de leur ressenti. C’est cette inscription dont nous cherchons à évaluer la présence en relation avec la notion de cohérence discursive ainsi qu’avec celle de style énonciatif et de façons d’interagir.

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